La réception de l’ouvrage acquise tacitement en l’absence de volonté non équivoque de ne pas recevoir l’ouvrage

Habitués de longue date à la possibilité d'une réception tacite d’un ouvrage « lorsque est manifestée une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter celui-ci », les spécialistes de droit immobilier pourraient penser que l’intitulé ci-dessus résulte d’une erreur de formulation. Cependant si la proposition est certes simplificatrice, néanmoins les récents arrêts rendus par la Cour de Cassation conduisent à s’interroger sur l’évolution de la jurisprudence et ses conséquences pour les assureurs construction.

Dans une affaire dans laquelle les maîtres de l’ouvrage avait pris possession des lieux en raisons « leurs impératifs financiers », n’avaient pas totalement soldé le marché et « avaient exprimé des réserves et fait état de risques de désordres structurels » la Cour d’Appel (Pau, 25 février 2015) avait naturellement été amenée à considérer « que la preuve de la volonté, non équivoque, des maîtres d'ouvrage d'accepter l'ouvrage, même avec réserves, n'est pas rapportée », suivant en cela une ligne de jurisprudence bien établie (en ce sens notamment C. Cass 3° Chambre 30 septembre 2015). Or par un arrêt du 13 juillet 2016 (publié au Bulletin), la 3° chambre de la Cour de Cassation casse cette décision au motif « Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser une volonté non équivoque de ne pas recevoir l'ouvrage, après avoir relevé que M. et Mme X... »

Une telle motivation peut laisser supposer en cas de prise de possession des lieux par un maître d’ouvrage (qui en l’espèce avait réglé la quasi-totalité du marché) il s’opérerait un renversement de la charge de la preuve, l’ouvrage étant présumé tacitement réceptionné sauf « volonté non équivoque de ne pas recevoir l'ouvrage ». La Cour de cassation a conforté sa position nouvelle par un arrêt du 15 septembre 2016.

En l’espèce les maîtres d’ouvrage avaient pris possession des lieux, réglé le montant du marché mais avaient adressé à l’entreprise un courrier contenant de nombreux reproches ce qui avait conduit la Cour d’Appel d’Aix en Provence (16 avril 2015) à rejeter la demande de réception tacite au motif que les maîtres d’ouvrage « n'ont pas manifesté leur volonté non équivoque de recevoir les travaux ».

La Cour de Cassation casse au motif «qu’en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la volonté non équivoque de M. et Mme X... de ne pas recevoir les travaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

La tendance paraît donc bien confirmée et si la caractérisation de « la volonté non équivoque » relève d’une appréciation souveraine d’éléments de fait, en revanche la question de savoir à qui profite le doute relève de la question de droit car elle implique la détermination d’une présomption dont la juridiction suprême semble bien avoir infléchi le sens en faveur d’une extension du domaine de la réception tacite de l’ouvrage et par voie de conséquence du régime de la garantie décennale relevant des garanties obligatoires des assureurs construction.

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